Texte gagnant de 2006
Catégorie : Nouvelle
La pièce
Par Roxane Boucher
Tout est brumeux autour de Benoît. Il a beau
chercher une porte de secours pour se sortir de cet enfer, mais
il n’en trouve aucune. Bref, il est prisonnier, une fois de
plus, dans ce rêve dont il est la victime. Cette petite pièce
dans laquelle il est enfermé semble plus petite de nuit en
nuit. La seule issue est cette fenêtre, fermée à
double tour. Benoît ne sait pas quoi faire. Le seul moyen
de s’en sortir est la fenêtre. Si seulement il trouvait
le moyen de l’ouvrir. L’adolescent d’une quinzaine
d’année tire, pousse, tire, pousse sur la damnée
fenêtre mais rien à faire. Celle-ci refuse de bouger.
Benoît se réveille en sursaut. Encore une fois, son
mauvais rêve lui a fait passer une nuit horrible. Depuis maintenant
trois mois, il fait ce rêve toutes les nuits. Malgré
son manque de sommeil, il se lève, s’habille, mange
et passe sa journée normalement. Par contre, l’heure
du souper fut plus mouvementée que d’habitude. Ses
parents l’ont questionné sans arrêt. Pourquoi
tu ne manges plus? Pourquoi es-tu si pâle? Benoît en
avait assez, alors il leur a tout avoué sur ses rêves
plus ou moins étranges. Diane et Charles, ses parents, ont
donc pris la décision de l’envoyer voir un spécialiste.
L’adolescent, fou de rage à l’idée de
voir un psychologue, quitta la table pour aller se réfugier
dans sa chambre.
-JE NE SUIS PAS FOU, leur cria Benoît.
Il n’avait aucune envie de voir un « spécialiste »,
comme ils disent. Par contre, il n’a pas eu le choix.
L’adolescent se trouve à nouveau dans ce rêve.
Tournant sur lui-même, Benoît cherche un moyen d’ouvrir
la fenêtre. Malheureusement, il ne trouve rien. La pièce
de couleur orangée est vide, complètement vide. Il
enlève sa chaussure et la lance de toutes ses forces sur
le carreau de la fenêtre. Rien à faire : tout
reste immobile. Soudain, Benoît entend une toute petite voix
qui l’appelle. « Benoît! Benoît! »,
répète-t-elle sans cesse. Le jeune homme est soudain
pris de panique, il perçoit même quelques sanglots
à travers cette petite voix qui lui semble si lointaine.
Comment la faire taire?
Malgré l’opposition de Benoît d’aller
voir une psychologue, ses parents ont décidé que c’était
mieux ainsi. Alors le mardi matin, il se rendit à son rendez-vous.
Benoît entra dans la vaste pièce où la psychologue
y était assise bien droite. Il prit place dans le fauteuil
en face de la dame. Les deux individus se fixèrent un bon
moment, puis, elle se présenta. Annie lui demanda de parler
de sa personnalité et de son caractère. Ensuite, il
raconta son rêve. Il lui confia que son sentiment de désespoir
lui semblait tellement vrai, qu’il n’arrivait plus à
faire la différence entre son rêve et la réalité.
– Je me retrouve dans une petite pièce dans laquelle
il n’y a ni meuble, ni porte, seulement une fenêtre.
Le problème est que celle-ci est verrouillée. Je ne
sais pas comment l’ouvrir. À cause de ce rêve,
je dors très mal la nuit, mais pourtant, il me fascine. Plus
je fais ce rêve, plus il m’intéresse. Je trouve
ça très étrange. Puis dimanche dernier, une
petite voix a commencé à prononcer mon nom en pleurant.
Cette voix m’est familière, mais je n’arrive
pas à l’identifier.
La psy l’observe attentivement. Elle lui conseilla de fouiller
la pièce de fond en comble pour trouver le moindre petit
indice, la prochaine fois qu’il fera ce rêve,
– À la semaine prochaine, Benoît, lui dit Annie
juste avant son départ.
Face à la fenêtre, Benoît tente
de trouver un indice, une piste. Il passe toute la pièce
au peigne fin. Puis, la voix se remet à gémir son
nom. Mais cette fois-ci, une voix d’homme s’ajoute à
la première. Elle aussi lui semble familière. Benoît
a de quoi s’en faire. Toujours à la recherche d’un
moyen de se sortir de la pièce maudite, Benoît écoute
les voix mystérieuses. Elles ne font plus seulement mentionner
son nom, elles lui parlent. Le jeune homme porta de plus en plus
d’attention aux voix. « Non! Benoît! S’il
te plaît. Nous t’aimons tellement. Oh! Dieu du ciel! »
Benoît avait du mal à y croire. C’est comme si
les voix voulaient le mettre en garde contre quelque chose. Mais
quoi?
Le mardi suivant, Benoît se rendit à son rendez-vous
chez la psychologue. Une fois de plus, il s’assit dans le
fauteuil qui faisait face à Annie. Benoît lui fit part
de ce qui c’était passé dans son rêve
la dernière fois. Après y avoir longuement songé,
la psychologue lui dit qu’il devait tenter de découvrir
ce que les voix voulaient lui dire. Comme s’il ne le savait
pas déjà! Elle lui expliqua que pour faire taire
les voix, il devrait trouver quel est le message qu’elles
voulaient lui transmettre ou encore mieux, trouver à qui
appartenaient ces voix mystérieuses.
Pour la énième fois, Benoît était
assis face à la fenêtre, cherchant le moyen de sortir
de la pièce détestable. Puis, comme à l’habitude,
les voix se remirent à prononcer son nom. Cette fois-ci,
l’adolescent leur porta une attention particulière.
« Ne meurs pas! S’il te plaît Benoît! »
Benoît se mit à crier comme un animal en cage. « Qu’est-ce
qui se passe? Aidez-moi! Je suis prisonnier! » Puis,
il reconnu les voix. Mais oui! Il savait qu’il les connaissait.
« Maman! Papa! Venez me chercher je vous en prie! Je
ne veux pas mourir! »
Benoît se réveilla en sursaut, trempé de sueur.
Il était fou de rage. Il ne voulait pas se réveiller.
Il venait enfin de trouver à qui ces voix appartenaient.
Mais malheureusement, il lui manque une pièce de casse-tête.
Qu’est-ce qu’elles veulent lui dire? Benoît regarda
son cadran. Il affichait 6 h 23. Puisqu’il n’avait
plus sommeil, il se leva pour aller prendre sa douche. Il continua
de se préparer. Benoît avait très hâte
de pouvoir aller à son rendez-vous avec la psychologue pour
lui dire ce qui venait de se passer. Plus que trois petites heures
et il pourrait tout lui dire. En attendant, il alla s’étendre
sur son lit. Puis, il ferma ses yeux et s’endormit.
Les yeux à moitié ouverts, il jeta un regard à
son réveil matin. Celui-ci affichait 11 h 30. Son
rendez-vous était il y a une heure. Il l’avait raté.
Benoît dévala l’escalier pour bombarder sa mère
de questions. Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé?
Est-ce que Annie a téléphoné? Depuis quand
je dors? Sa mère, sur un ton défensif, lui expliqua
qu’elle le voyait dormir paisiblement, alors elle n’avait
pas osé le réveiller. Elle affirma même qu’Annie
avait téléphoné pour savoir où Benoît
était, mais elle lui a simplement répondu que son
fils dormait pour le moment. Pour rassurer Benoît, elle lui
dit que son rendez-vous avait été reporté au
lendemain, même heure. Soulagé, mais le cœur encore
battant, Benoît monta l’escalier pour aller occuper
ses pensées.
Benoît ouvrit les yeux. La pièce se forma
petit à petit. Il se leva et regarda autour de lui une fois
de plus. Il s’approcha de la fichue fenêtre et y aperçut
des silhouettes. Plus il les regardait, plus il les reconnaissait.
Ses parents se tenaient devant quelque chose qu’il ne pouvait
distinguer. Inévitablement, les voix se remirent à
gémirent. Mais cette fois, il savait à qui elles étaient.
En plus, Benoît pouvait les voir à travers la fenêtre.
Il les voyait pleurer. Soudain pris d’une crise, Benoît
hurlait. « Je vais bien! Arrêtez de pleurer! »
Une larme glissa sur sa joue. Il en avait assez de voir ses parents
sangloter en articulant péniblement son nom. Bien décider
à trouver ce qui se cache d’autre derrière cette
fenêtre tant détestée, Benoît recommença
à tirer sur la fenêtre, comme il le faisait bien des
semaines auparavant. Tire, pousse, tire, pousse, tire, pousse. Rien
à faire. Ses parents continuent à pleurer et lui est
toujours condamné dans cette pièce.
Le lendemain matin, Benoît prit la peine de ne pas se lever
trop tôt pour ne pas faire comme la veille et manquer son
rendez-vous. Cette fois-ci, il ne le ratera pas. À l’heure
prévue, Benoît prit place dans l’habituel fauteuil
devant sa psychologue. Elle lui fit remarquer que s’il avait
réussi à bien dormir la veille sans faire de rêves
étranges, c’est qu’il est en voie de guérison.
Avant qu’elle ne continue, il lui raconta les anecdotes de
ses rêves.
– Réfléchis bien, commença Annie, ce
ne sont peut-être que les vieux démons du passé
qui viennent te hanter. Y a-t-il quelque chose qui aurait pu faire
pleurer tes parents?
Après mûre réflexion, Benoît trouva quel
était son vieux démon. Il lui raconta ce qui aurait
pu troubler son esprit à ce point.
– Il y a 5 mois maintenant, mon grand frère a été
victime d’un grave accident de voiture. Il est mort sur le
coup. J’ai commencé à faire ces cauchemars un
mois et demi après cette tragédie. Mais ça
n’explique pas pourquoi les voix dans ma tête murmurent
mon nom et pas celui de mon frère. Et pourquoi je suis dans
une pièce?
La psychologue lui avoua qu’elle ne savait pas non plus la
cause de ces phénomènes.
De retour dans son rêve, Benoît alla
près de la fenêtre. Naturellement, il y vit ses parents
et les voix se mirent à prononcer son nom. Anormalement,
la fenêtre avait une petite fente d’ouverte. Sans hésiter,
Benoît prit le rebord de la fenêtre et l’ouvrit
toute grande. Il sortit de la pièce et se retrouva dans une
chambre d’hôpital. Au contraire de ses attentes, ce
n’était pas Éric, son grand frère, qui
se trouvait dans le lit, mais il n’y porta pas attention pour
le moment. Benoît s’approcha pour consoler sa mère,
mais il ne put la toucher, comme s’il était invisible.
Il jeta un coup d’œil dans le lit qui faisait face à
ses parents, et se vit. Benoît se voyait étendu sur
le lit, les yeux fermés. Il prit ses jambes à son
cou. Benoît sortit de la chambre d’hôpital et
se retrouva dans un endroit tout noir. Il se retourna, mais la chambre
avait disparu. Soudain, quelqu’un arriva à ses côtés.
Il se retourna et vit Annie qui l’observait.
– Bonjour Benoît, lui dit Annie. J’imagine que
tu te demandes où tu te trouves. La réponse est toute
simple. Tu es dans ta tête. Moi je n’existe pas vraiment,
tu m’as inventé. En fait, tu es dans le coma depuis
trois mois et demi. Tu as volé la voiture de ton père
et tu as foncé directement dans un mur. Tu as fait une tentative
de suicide après la mort de ton frère. Vous étiez
très proches tous les deux et ça t’a donné
un grand choc lorsqu’il est mort. Maintenant, tu as un choix
à faire. Le premier est de sortir du coma, de continuer à
vivre. Le deuxième est de mourir, ce qui rendra tes parents
très tristes. Tu dois faire ton choix Benoît, mais
sache que peu importe ce que tu choisis, il y aura des conséquences.
– Maintenant? fit Benoît.
– Oui. Tout de suite.
– D’accord. Je souhaite mourir. Je ne veux pas continuer
à vivre sans Éric.
– Très bien Benoît. Je suis contente de t’avoir
aidé à percer ton mystère. Adieu.
Roxane Boucher
de Malartic
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