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Texte gagnant de 2008
Catégorie : Nouvelle ayant comme thème Défi

L'horloge brisée

Par Isabelle Aubin

Dans la rue du démon penché vivait un vieil homme écœuré. Un chien comme ami, c'était peu de compagnie. En plus, une mission lui était confiée, mais lui s'en serait bien passé. Sur une étrange horloge enchantée, il devait veiller. À chaque fois que sonnait minuit, il devait se réveiller pour aller au puits. Empêcher l'invasion des démons était sa fâcheuse mission. L'horloge étant un portail démoniaque, il fallait l'empêcher de sonner avec son terrible ammoniac. Ce fut une triste journée, quand le vieil homme est devenu énervé. D'un coup de poing irrité, l'horloge il avait brisé. Apparut alors le seigneur démon, maitre des effets spéciaux et des illusions. Ce dernier voulut se venger, de la pauvre horloge brisée. Ce fut la fin du vieil homme et le début d'autres bonshommes. Le démon lança une terrible malédiction, qui en atterrait les vieux dictons. Cette dernière nous obligeait à parler en rime, ce qui était aussi pire que l'escrime...

Malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui peut rimer, ce talent n'étant pas inné. Par exemple, il y avait Norbert, qui parler en vers le rendait vert. Aussi, il y avait Abime, incapable de faire des rimes... Heureusement, il y avait moi, avec une voix aussi douce que de la soie. Je n'ai pas de noms, encore moins de surnoms. Narrer est mon métier et cette malédiction m'a ruinée. Faire une phrase et toujours rimer, mais quelle fatalité! Quand une description du tonnerre est devenue l'Enfer, c'est un véritable calvaire. Bref, avec mon grand courage insoupçonné, la compagnie de l'horloge brisée, j'ai formé, même si j'en étais la seule affiliée. Ma quête est de réparer, la vieille pendule cassée, mais pour commencer, il faut bien la trouver....

– Oh, ma belle et merveilleuse narratrice, toi, qui es une formidable actrice, tu as osé m'oublier, moi, ton tavernier préféré du nom de Bernier.

– Tu m'en vois fort désolée,. mon extraordinaire Bernier. D'ailleurs, j'allais justement te nommer, mon preux chevalier. Donc, reprenons où nous étions.

Heureusement s'est joint à moi Bernier, dont l'amour le rendait fou. Tavernier est son métier et c'est aussi lui qui nous a hébergés. Grâce à cet utile métier, il n'y a rien qui nous a échappé : complots, idées et rumeurs, toutes les choses de dernière heure. C'est ainsi que par un beau matin, à notre porte est arrivé un joyeux malandrin. Jetant une gigantesque ombre sur la foule, qui se figea même si elle était saoule, arriva un étrange petit bonhomme qui était loin d'être un surhomme...

– Tiens, tiens, si ce n'est pas Àlouest Bonappartement, le plus petit homme connu mondialement. Que peut-on faire pour toi, mon cher rabat-joie? demanda le tavernier du nom de Bernier.

– Ce n'est pas ce que vous pouvez faire pour moi, c'est ce que je peux faire pour toi, mon cher je-ne-sais-quoi, dit le dénommé Àlouest en replaçant sa veste.

– Votre phrase est fort mal tournée, mais sachez que mon nom est Bernier, répondit mon merveilleux tavernier. D'ailleurs, en quoi pouvez-vous nous aider, on n'a pas besoin de cuisinier dans la taverne du Chat tranché.

– Des informations sur la maudite horloge brisée, ce n'est pas vous qui en cherchez ou me serais-je trompé?

– En effet, il s'agit de moi, la narratrice avec la plus belle voix, dis-je en me montrant avec mes vêtements de soie. Quelles sortes d'informations pourraient bien retenir mon attention? Seulement, allons dans la chambre d'à côté, pour éviter les oreilles non désirées.

En effet, les informations de notre source nous furent d'une grande rescousse. Seulement, il y avait un grave problème qui nous rendait blêmes. Selon le minuscule Àlouest, l'horloge se trouvait dans l'Est. Là-bas, il y avait les pires trimons, plus effrayants que les simples démons. En plus, les sorciers maléfiques n'avaient rien de féerique et que même les rivières rouges avalaient tout ce qui bouge. En échange de cette terrible information, on devait bien quelque chose à ce... paillasson. Lui écrire une bibliographie était malheureusement le triste prix. Pourtant, écrire n'était pas mon métier, je ne faisais que narrer, mais je me devais bien d'accepter. Malencontreusement, il se trouva que même avec mon effroi, le sort s'acharnait sur moi. Bernier ne voulait guère m'accompagner, sur sa taverne il devait veiller. Mon esprit s'en trouva fort offensé, mais je songe déjà à me venger... D'ailleurs, ce peureux d'aventurier allait lui aussi me le payer. « Je suis trop occupé pour cette quête déprimée, vous m'en voyez fort désolé. » C'est moi où ces hommes effrayés qui sont des peureux dignes des poules mouillées? Seulement les rimes je voulais arrêter et ma seule solution était l'horloge brisée. C'est ainsi que je partis, dans un triste et nuageux après-midi.

Le premier obstacle que je rencontrai n'était guère un étranger, mais plutôt un objet cassé; ma boussole était complètement déréglée. L'aiguille pointait vers le soleil couchant, alors qu'il s'agissait d'un autre tournant. Un compas qui n'indiquait pas le nord, mais quel triste sort. Je devrais me résoudre à demander mon chemin, mais même s'il s'agissait du pire vaurien, c'était mieux que rien. Pendant que je marchais vers cette terre désolée, le Soleil et la Lune s'affrontaient dans un ciel déchiré. La nuit ne tardait jamais à arriver, tandis que le matin s'éternisait à se lever. Le paysage joyeux que j'avais connu faisait maintenant place à un effrayant territoire pour un intrus. Au moins, je me rapprochais de mon défi, quel soulagement cela me fit. Malgré tout, je me sentais en deuil, peut-être parce que je pensais aux autres qui étaient dans de confortables fauteuils, alors que moi, je pouvais me rapprocher de mon cercueil. Ce fut au bout de ce qui me parut un an que j'aperçus le fameux manoir où reposait le foutu cadran.

L'entrée était évidemment gardée par un trimon des plus particuliers. Il était grand, énorme et... égaré, à moins que mes pauvres yeux n'en soient abusés, le pauvre ne semblait guère savoir où aller. Prenant mon courage à deux mains, je sortis de mon sac à dos un vieux bouquin, un de ces ennuyeux livres Harlequin. Je rejoignis aussitôt l'étrange créature, malgré sa grande et forte ossature. Sans plus tarder, le livre d'amour que j'avais sorti lui ai conté. L'effet fut immédiat, le trimon s'endormit dans un grand fracas. La voie était maintenant libérée de cette affreuse calamité. Sans prendre un peu plus de repos, je courai vers la porte de cet étrange château. Avais-je trop peur de me retourner ou voulais-je finir au plus vite ce défi désespéré? Je n'en avais aucune idée, mais je sentais mon corps trembler. Une fois le hall franchit, une nouvelle épreuve m'accueillit. Des démons faisaient la fête, je n'en croyais pas ma tête. Partout, ils dansaient, et même que certains chantaient et je dois avouer malheureusement que le résultat était assez laid. Cependant, je me fis aussi petite que possible et par une chance incroyable je réussis à atteindre ma cible. Passer de l'autre côté n'avait guère été une difficulté. À errer dans les couloirs, cela m'a pris un bon moment, mais je réussis à trouver mon trésor fabriqué d'ivoire, bien plus précieux que de l'argent. Lorsque j'entrai dans une mystérieuse chambre, je sus que la chose qui s'y cachait était bien plus précieuse que de l'ambre. Un merveilleux coffre s'étendait devant mes pieds, l'instrument qui pourrait nous libérer de cette malédiction damnée, la fameuse horloge brisée. Mon corps tremblait comme dix, décidément, j'étais assez éloignée du courageux phénix. Étrangement, le coffre n'était point cadenassé et je l'ouvris d'un simple coup de pied. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant mon étrange prise. Il n'y avait guère de cadran cassé, seulement un vulgaire papier. C'est d'une main hésitante que je le saisis, même si je n'en avais pas vraiment envie.

« Cher aventurier qui est parvenu ici pour l'horloge brisée, j'ai le malheur de vous annoncer que ce cadran n'a jamais existé, de même que cette malédiction qui vous fait rimer. (Inutile de préciser ma stupéfaction, à moins que vous soyez aussi intelligent qu'un saucisson...) Vous êtes surpris, hein? Mes amis et moi-même avons inventé cette histoire lorsque nous étions jeunes. On avait toujours aimé les poèmes, en plus de posséder beaucoup d'imagination. Une des choses qui nous regroupait était le fait qu'on rêvait d'inventer notre légende. C'était bien beau rêver, mais il fallait le réaliser. Pour ça, mon plan était divisé en deux parties.

La première consistait à faire croire aux paysans de villages plus ou moins éloignés que le vieux type solitaire habitant à côté de la forêt était une sorte de gardien ayant comme mission de « sauver le monde ». Les gens de notre époque croyaient un peu trop aux superstitions, donc ils avalèrent complètement notre histoire. Notre légende se propagea rapidement, presque tout le continent était au courant. Lorsqu'arriva la mort du vieux bonhomme, nous avons incinéré son corps et brûlé sa maison. Là arriva la partie la plus difficile, comment « obliger » les autres personnes à rimer? J'avais déjà une idée sur la question. Il m'avait suffi d'écrire un message avec les cendres. J'avais marqué quelque chose du genre : « Vous avez un mois pour avertir les autres villages que le gardien a brisé l'horloge et qu'à partir de la prochaine pleine lune, vous allez être obligés de parler en rime. En cas de refus de coopération de votre part, vous subirez la destruction de votre village ». Bref, peureux comme ils étaient, les villageois ont aussitôt fait leur boulot. Résultat, en un mois, tout le monde parlait en rime. Pour ce qui consiste la partie aventurier en votre genre, je me suis dirigé vers l'Est. Je ne savais guère si l'histoire des démons était vraie, mais en raison des nombreuses légendes là-bas, peu de personnes osaient s'y aventurer. Ce qui faisait naturellement un merveilleux endroit pour cacher mon récit. Lors de mon trajet, j'avais rencontré des créatures bizarroïdes, mais qui étaient assez attachantes. Sur ma route, j'avais rencontré Frag, un minotaure des plus sympathiques et on est rapidement devenu amis. Comme cadeau, je lui ai offert mon "trésor" même si ce dernier ne savait pas lire. Au retour de mon périple, j'avertirais quelques personnes que j'ai entendu dire que l'horloge se trouvait dans un manoir à l'Est.

Pour finir, je m'excuse pour toutes les gênes occasionnées, mais sachez que mon plus grand défi était sans aucun doute de créer une légende. Si vous lisez ceci, ça veut sûrement dire que mon plan avait mieux fonctionné que je ne l'avais cru.

Dimitri de Hourglass »

Par Isabelle Aubin
de La Sarre

 

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